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Journées d'études « Production et transmission des savoirs islamiques dans les mosquées en Europe »

Du 14 juin 2023 au 15 juin 2023
De 13h30 à 12h30
Misha - Salle des conférences et salle Océnaie

Dans le cadre du Réseau SHS Eucor „Identité européenne“ et de l’Axe 3 « Production, circulation et critique des savoirs » de SAGE (UMR 7363 CNRS-Université de Strasbourg)

Première rencontre du cycle « Production et transmission des "savoirs religieux ordinaires" en contexte européen de sécularisation et de pluralité religieuse »

Organisation : Vincent Goulet et Wiebke Keim (SAGE)

Merci de s’inscrire auprès de vgoulet@unistra.fr  

Invités principaux

Ayşe Almila Akca

Berliner Institut für Islamische Theologie, Humboldt Universität

Après des études de sciences islamiques et de sciences politiques à Freiburg, Almila Akca a été collaboratrice scientifique à l’Académie diocésaine de Stuttgart dans le cadre d’un projet de dialogue interreligieux. Elle a ensuite mené à la Freie Universität Berlin une thèse de doctorat sur les formes et les acteurs des savoirs religieux musulmans dans les mosquées allemandes (travail distingué par le prix DAVO 2019).

Dans son projet d'habilitation, elle se consacre aux fondements théoriques de la théologie pratique à partir de différentes formes de pratiques religieuses en Allemagne dans une perspective de « théorie de la pratique ». Depuis 2019, elle pilote le jeune groupe de recherche « théologie islamique en contexte scientifique et sociétal » (Nachwuchsforschungsgruppe "Islamische Theologie im Kontext. Wissenschaft und Gesellschaft), soutenu financièrement par le Bundesministerium für Bildung und Forschung – BMBF.

Choix de publications

Moscheeleben in Deutschland. Eine Ethnographie zu islamischen Wissen, Tradition und religiöse Autorität, Bielefeld, Transcript, 2020. Open-Access: https://www.transcript-verlag.de/978-3-8376-5045-7/moscheeleben-in-deutschland/?number=978-3-8394-5045-1

"Verstehen und Reflektieren versus Memorieren und Rezitieren. Eine ethnographische Analyse zu verschiedenen Praxen der Religiosität in Moscheen in Deutschland", in: Moschee 2.0. Internationale und interdisziplinäre Perspektiven, hrg. v. Betül Karakoc u. Harry Harun Behr, Münster, 2022, 11-28.

“Bodies, Things, Doings: A Practice Theory Approach to the Study of Islam”, in: Abbas Aghdassi/Aaron W. Hughes (ed.): New Methods in the Study of Islam. Edinburgh: Edinburgh University Press, S. 306-327 (mit Eyad Abuali und Aydın Süer). https://edinburghuniversitypress.com/book-new-methods-in-the-study-of-islam.html

Younes Johan Van Praet

Université de Rouen / Laboratoire DYSOLAB & Université catholique de Louvain / Laboratoire CISMOC– Socio-anthropologie.

Docteur en sociologie - Thèse soutenue en 2019 : « Transmettre et être en quête du "'ilm" : ethnographie des modalités de transmission des savoirs islamiques dans l'agglomération rouennaise »

Dans le cadre de deux post-doctorats réalisés entre 2019 et 2022 à l'Institut de Recherche et de Développement, Younes Van Praet a travaillé sur les modes de transmission des savoirs religieux islamiques en France métropolitaine et sur les mobilités internationales des musulmans en recherche de connaissances religieuses légitime. Il étudie particulièrement les phénomènes de circulation et de transformation de ces savoirs entre les espaces arabophones et francophones. Consultant pour l'Université d'Oxford au sein de l'ERC "Choosing islamic conservatism" coordonné par Masooda Bano, il est également un des organisateurs du séminaire « Sociologie des savoirs islamiques en France » soutenu par l’Institut d’études de l’Islam et des sociétés du monde musulman de l’EHESS.

Choix de publications

« Pérégrinations du matn d’Ibn ‘Āshir (xviisiècle) : renouveau et réappropriations concurrentielles du malikisme au sein de l’enseignement islamique francophone », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 150, 2021, p. 63-82.

« L’émergence de l’islam “traditionnel” au sein du cyberespace francophone musulman. Processus de sélection, traduction et réception de deux savants malikites », Recherches Sociologiques et Anthropologiques, 49-1, 2018, p. p. 127-156.

« Enquêter sur les usages du français et de l’arabe dans l’enseignement islamique en France : quels outils méthodologiques et conceptuels ? », in Aurélia Confais, Camille Couvry, Roxane Joannidès, Emilie Lebreton, Maulde Urbain-Mathis, Actes du colloque : Sociologie et Sciences du Langage. Quel dialogue, quelles interactions ?, mai 2014, Rouen,

Programme

 

Mercredi 14 juin 2023

Lieu : Misha, salle de conférences

Traduction simultanée français-allemand

13 h 30  Accueil et présentation du cycle et de la journée d’études

Wiebke Keim et Vincent Goulet

13 h 45 Avant-propos méthodologique

Younes Van Praet

 « Qu’est-ce qu’un savoir religieux musulman ? » Un rapide panorama des différentes disciplines des sciences islamiques et de leur historicité.

14 h – 15 h 30  Exposé d’Almila Akca et discussion

Almila Akça reviendra sur son enquête de terrain menée entre 2012 et 2016 dans différentes mosquées d’une ville de taille moyenne de l’ouest de l’Allemagne. Elle montrera comment au sein de communautés locales très diverses en terme de langues, de cultures et de traditions religieuses musulmanes, les enseignements base du sunnisme sont discutés par les fidèles ordinaires. Utilisant la théorie du monde social de Pierre Bourdieu (en particulier les concepts de capital et champ), elle rend finement compte des transformations des savoirs religieux légitimes  au cours des débats et des processus d’acculturation de l’islam en Allemagne.

15 h 30 - 16 h  Pause

16 h - 17 h 30  Exposé de Younes Van Praet et discussion

Younes Van Praet présentera une partie des résultats d’une ample enquête ethnographique de terrain menée dans les années 2010 dans treize mosquées de l’agglomération rouennaise. Il s’efforcera de mettre en évidence les échanges entre fidèles et responsables religieux de ces communautés locales, en identifiant les horizons d’attentes des différents groupes et les ressources externes qui peuvent être mobilisées dans les discussions (livres en librairies musulmanes, enseignements en ligne structurés, réseaux sociaux numériques et discours se présentant comme  experts sur Youtube et le Web).

17 h 30 - 18 h  Présentation de l’atelier « jeunes chercheurs » du lendemain

Wiebke Keim, Vincent Goulet et Hanane Karimi.

 

18 h 30 – 20 h Diner

 

20 h 30  Soirée-débat  grand public  « Hors les murs » : « La place des femmes dans les communautés religieuses locales : regards croisés interreligieux et franco-allemands »

Lieu: Foyer des Étudiants Catholiques (FEC) de Strasbourg

Quelles que soient les courants religieux,  la vitalité et le dynamisme des communautés locales reposent largement sur les épaules des femmes. Leur place n’est pas toujours bien reconnue, aussi bien dans les milieux musulmans que chrétiens. En conséquence, les femmes qui s’investissent dans la vie religieuse de leur communauté revendiquent que l’on reconnaisse leurs apports et que l’on confie davantage de responsabilité et de pouvoir.

Cette soirée, sous forme de conférence-débat ouverte à tous les publics intéressés, cherchera à croiser les regards sur la place des femmes dans la production et la transmission des savoirs religieux dans les communautés locales, aussi bien au niveau interreligieux que franco-allemand.

Principales intervenantes :

Almila Akca, Université Humboldt de Berlin ; Ruth Wolff-Bonsirven, pasteure à Bischheim, Union des Églises Protestantes d’Alsace-Moselle ; Adela Kazija, théologienne, communauté musulmane bosniaque de Gaggenau-Rastatt ; Martine Renaud,  laïque active dans la communauté de paroisses de la Meinau, Eglise catholique de Strasbourg et d’autres femmes engagées dans différents courants religieux.et Younes Van Praet, Rouen.

Le débat sera animé par Nadine Weibel, anthropologue du religieux et enseignante à l’université de Strasbourg.

Cette soirée est soutenue par le CIERA, Centre Interdisciplinaire d’Études et de Recherches sur l’Allemagne.

Jeudi 15 juin 2023

9 h 30-12 h 30 „Atelier recherche franco-allemand“ sur les savoirs religieux

Lieu : salle Océanique - Misha

Comment peut-on construire scientifiquement l’objet « savoir religieux » ? Sans vouloir séparer ni opposer a priori « croyance religieuse » et « connaissance scientifique », il s’agit de considérer les savoirs religieux ordinaires comme des systèmes cohérents de représentation du monde et de cadres d’intelligibilité orientant les conduites des individus en tant qu’êtres sociaux. L’objectif de cet atelier est de prendre ces savoirs religieux pleinement pour objet, de les analyser de manière scientifique et donc nécessairement critique, par les méthodes de la sociologie, des sciences des religions et de la théologie, de façon à préciser les rationalités à l’œuvre dans la constitution de ce type de savoir.

Prenant appui sur la constitution des savoirs religieux islamiques, les échanges seront ouverts aux autres traditions religieuses présentes en Europe.

Après un tour de table des thèmes travaillés par les « jeunes chercheurs »pour voir où se situent les points de gravité de la discussion, les deux intervenants de la veille présenteront de manière détaillée et interactive leur terrain, méthodologie et outils théoriques. Les approches webéro-bourdieusiennes en termes de capital, habitus, champ et domination seront particulièrement discutées.

Les jeunes chercheurs ou futurs jeunes chercheurs et chercheuses (de toutes disciplines des sciences sociales, théologiques ou études interreligieuses - l’atelier est ouvert aux étudiants de Master) présenteront leurs travaux ou projets d’enquête en rapport avec le thème.

Cet atelier sera animé par Hanane Karimi (LinCS), Wiebke Keim et Vincent Goulet (SAGE).

13 h – 14 h 30 : Déjeuner 

14 h 30 – 16 h Préparation des séances à venir

Lieu : salle Afrique - Misha

Discussion sur les thèmes des prochaines journées d’études franco-allemandes de ce cycle, préparation et organisation des séances à venir.

Thématique générale du cycle de journées d’études et ateliers « Production et transmission des "savoirs religieux ordinaires" en contexte européen de sécularisation et de pluralité religieuse »

 

Peut-on parler, pour les personnes croyantes, de « savoirs religieux ordinaires » qui, parmi d’autres  référentiels, contribuent à orienter leurs conduites ?

Les recherches contemporaines sur appartenances religieuses interrogent souvent les valeurs des croyants ou se concentrent sur les pratiques de façon à mieux cerner comment seraient construites les « identités religieuses ». Les « modalités du croire » et plus particulièrement les savoirs construits, transmis et mobilisés par les différents acteurs et actrices du champ du religieux sont moins souvent enquêtés, peut-être parce que l’objet « savoir religieux » est plus difficile à constituer d’un point de vue scientifique. Avec Danièle Hervieu-Léger, on peut considérer ces savoirs religieux comme des « croyances formalisées, rationalisées, dont les individus sont capables de rendre compte »[1], qui, si elles échappent à la vérification expérimentale, elles n’en sont pas moins, pour l’adhérent à un courant religieux particulier, un savoir spécifique sur lequel il peut appuyer sa pratique et donner sens à ses conduites.

Sur le plan collectif des socialisations, un courant spirituel ou religieux, comme tout courant esthétique, culturel ou même politique, doit s’incarner au travers de traditions et institutions pour espérer s’inscrire dans la durée. Dépasser la temporalité d’une existence humaine individuelle n’est pas en soi une prétention arbitraire, mais découle de la croyance en la validité de ce qui est avancé. Cette transmission se traduit par des textes canonisés ou de références, des rites, des liturgies, des modes d’organisation institutionnels mais aussi par des « contenus du croire », qu’ils soient théoriques ou pratiques, ou dit autrement des « savoirs religieux ». Parmi les processus cumulatifs en permanente transformation qui forment les traditions religieuses, les « savoirs religieux » ont une place importante, dans la mesure où il s’agit d’une mise en cohérence avec des critères rationnels des bases cognitives et symboliques qui fondent le rapport à la transcendance. À la différence d’un ethos ou d’un style de vie religieux, le « savoir religieux » suppose une forte réflexivité – une des questions qui nous occupera sera d’ailleurs de penser l’articulation entre la dimension cognitive des savoirs religieux et leur dimension pratique, préréflexive. Il ne s’agit pas ici de se focaliser sur les savoirs théologiques ou dogmatiques, mais sur les savoirs mobilisés par les croyants ordinaires, dans leur vie spirituelle et sociale quotidienne. Par exemple, on pourra aborder les règles du port du foulard islamique, la question du Jugement dernier (et les conceptions de l’enfer et du paradis), la présence de Jésus-Christ dans l’Eucharistie ou la Cène, les modalités de la prière quotidienne et la question de son efficacité rituelle[2].

Pour mieux comprendre l’influence de ces savoirs religieux dans la société européenne contemporaine post-métaphysique et post-séculière[3], on discutera les approches cognitivistes et praxéologiques, de manière à mieux cerner ce que l’on peut rigoureusement considérer comme un « savoir religieux ordinaire », en le distinguant des autres formes de savoir (par exemple scientifique ou expert). Sans vouloir « entrer dans les consciences » des croyants, il s’agit de s’inscrire dans un processus réflexif et d’identifier les interactions au travers desquelles ces savoirs se constituent. Le but de cette série de rencontres scientifiques et citoyennes sera aussi de diffuser et de faire connaitre des études empiriques sur les processus de (re)formulation de ces « savoirs » dans différents espaces sociaux : les communautés religieuses locales, les familles, les écoles en croisant les courants et traditions religieuses et différents contextes nationaux européen (l’accent étant mis sur la France, l’Allemagne et la Suisse, notamment à travers l’espace trinational du Rhin supérieur).

Enfin, une attention toute particulière sera donnée, dans l’étude de ces processus de constitution des savoirs religieux par les « croyant.e.s ordinaires » dans leurs différents espaces de sociabilités (familial, amical, communautaire, scolaire, numérique, etc.), à la question de la légitimité et du contrôle de ces savoirs et à celle de leur mobilisation au sein des discours religieux contemporains, qu’ils soient « exclusiviste » ou « radicaux », « interreligieux », ou autres.

 

 

 

 


[1] Hervieu-Léger Danièle, La religion pour mémoire, Paris, Cerf, 1993, p. 106.

[2] Jouanneau Solenne, « L’imam, clerc sans clergé ni Église : Les répertoires d’une autorité dissimulée dans les cadres de l’interaction », Genèses, n°88, 2012/3, p. 13-14. 

[3] Habermas Jürgen, Entre naturalisme et religion, Paris, Gallimard, 2008.