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Un "désordre" dans la catégorisation : le déclassement statutaire atypique de diplômés du supérieur sans domicile

Cordazzo Philippe, Sembel Nicolas, 2016,  "Un "désordre" dans la catégorisation : le déclassement statutaire atypique de diplômés du supérieur sans domicile", Economie et statistiques, n°488-489, pp 69-85. Disponible en ligne.

Résumé

Selon l’enquête Sans‑Domicile réalisée par l’Insee et l’Ined en 2012 auprès des adultes
sans domicile francophones, 14 % d’entre eux ont fait des études supérieures et 10 % en
sont sortis diplômés. Les diplômés du supérieur sont plus souvent d’âge intermédiaire
(30‑49 ans), issus de catégories plus favorisées (39 % contre 17 %) et vivent davantage
en région parisienne que ceux qui ne le sont pas ; ils sont aussi plus souvent nés à l’étranger
(66 % contre 43 %), particulièrement en Afrique.
En affinant, deux profils se dégagent, produits par deux processus de précarisation différents
: d’une part, des diplômés de l’enseignement supérieur français, plus souvent
hommes, plus âgés, plus seuls, un peu plus souvent issus de classes sociales défavorisées,
un peu moins parisiens ; et des diplômés de l’enseignement supérieur étranger, plus
souvent femmes, âgées entre 30 et 49 ans, voire de moins de 30 ans, avec enfant(s) (le
plus souvent en couple, mais aussi seules), un peu plus souvent issus de classe moyenne.
En outre, selon nos calculs, près de 15 % des sans‑domicile ayant fait des études supérieures
ont connu une première situation de sans‑domiciliation au cours de leurs études,
plus souvent dans le supérieur français. Cette valeur varie de 6 % pour les diplômés du
supérieur à 31 % pour ceux n’ayant pas obtenu leur diplôme, ces derniers étant essentiellement
de catégorie sociale défavorisée.
Signe de l’extension des phénomènes de déclassement, le diplôme ne protège pas systématiquement
de la précarité. Les diplômés du supérieur sans domicile sont souvent
dans des situations comparables aux sans‑domicile non‑diplômés. Ils s’en distinguent
néanmoins, selon nos résultats, par un rapport à l’emploi un peu plus dynamique, un état
de santé jugé (par eux) plus souvent comme « très bon », une expérience plus tardive de
la sans‑domiciliation, et notamment de la « rue », et un soutien plus actif de leur réseau
de sociabilité (amis, proches, voisins, famille).